Le chemin

c’est dans les vagues du jour répété
qu’il sculpte son œuvre maudite
de sculpteur à sculpté
il imprègne l’argile
il ouvre une bouche au cri de silence
cheminant comme tant d’autres de son espèce
il donne forme à sa misère
et même écrire est difficile
tant sa vie lui a brisé les mains
de sculpteur à sculpté
il imprègne la masse
de son absence confirmée
de son absence confirmée
il ne sait peut-être même plus hurler
tant sa bouche a été murée
il se dit que peut-être
la vie peut venir le chercher
espoirs battus
sentiers coupés
il ouvre son âme au silence
au doute
à l’amertume
il voudrait en finir
mais pieds et poings liés
le temps qui passe l’englue
sur son ruban aphone et gris
le temps le tue
le temps le tue
le temps le tue…
car il faut vivre
quitte à souffrir des moindres maux
quitte à ce que l’amour s’effile
quitte à ce que les mots se vident
du vital à l’inerte!

Sur les rails

nocturne dans une gare de triage

nuit sombre et glaçante
il va au charbon dans la fumée porteuse de mort
l’horizon se dessine au lointain improbable des zones limitrophes
dans sa main calleuse pèse de tout son poids un lourd sabot d’acier froid qui lui glace les os
entre les rails l’homme avance sans âme
sur les rails progresse le lourd wagon chargé de silence sombre
homme et bête unis pour la fusion suprême…

Découverte proto-historique

Les revues scientifiques ont annoncé une découverte qui révolutionne notre perception de l’âge du bronze.

Cet objet, trouvé dans le pot de chambre d’un chef de tribu dans un tumulus authentique, représente un personnage accroupi déféquant, sourire aux lèvres et langue tirée

Il fait l’objet de spéculations multiples: objet cultuel (réponse joker quand on ne sait pas ce que c’est), protection magique contre la constipation, siège pour (très) petite personne, boîte à quelque chose…

On note la présence d’un orifice dans la partie postérieure du personnage, ce qui amène conséquemment et obligatoirement à la question « à quoi sert-il? ».
Un indice peut-être: l’âge du bronze.
Si vous trouvez la solution merci de la partager, le monde de l’archéologie a besoin de vous!
Vous avez la solution? vous aurez droit à une petite récompense en l’envoyant à lautre hat lachutedesanges.com.

Silencio

Témoignage d’un vivant au seuil de la disparition

il était un temps où j’adhérais à “je n’aime pas les hommes mais j’aime le bruit qu’ils font » maintenant j’en suis à “je n’aime pas les hommes ni le bruit qu’ils font » c’est sans doute une grande lassitude qui m’envahit un chemin sans retour sans repentir vaines discussions monologues subis verbiages masturbatoires vide absolu néant total couinements de primates cacophonie stérile acouphènes langagières et logorrhées du néant
TAISEZ VOUS
faces hilares et réjouies des quelques fientes que vous dispensent vos petites vies, que vous chie dessus l’existence
TAISEZ VOUS CINQ MINUTES !
le temps que s’installe un peu de silence
trop bavards trop bruyants trop remuants, saoulants, qui s’insinuent par touts les pores de notre cerveau, insidieux filandreux médicamenteux
TAISEZ VOUS TOUS
et laissez moi un peu me vider me purger chier toute cette merde des mots et ces envies stériles
et toi saleté d’espoir va te faire voir dans le trou du cul du monde lâche moi une fois pour toutes que je puisse en fin me coucher et dormir
DÉFINITIVEMENT

On the road

allongé l’obscurité des camions pourris sur la route
il respire au ralenti allongé dans l’obscurité
voyage long et stade fœtal le monde en implosion
afrique voyage en lui le continent noir comme révélateur
si proche charnel
voyage express la route et les camions la pluie
après des routes sans âme Bordeaux la grise traversée silencieuse puis la descente sur Bayonne qui éclate au soleil!
cour de ferme au soleil caquètement des volatiles qui éclabousse le soleil levant…
au passage une nuit sous un escalier et le lendemain l’odeur de l’urine des sommeils blancs sur des bancs froids sur des remparts glacés étrangeté du décalage quand la journée vire au transparent
l’homme parle odeur du gas-oil puissance sourde du moteur 40 tonnes glissent comme en un rêve Charon te mène à ta découverte
c’est la descente immaculée c’est vers le fond de soi
sur la route gît la vieille gangue incrustée de scories
sur la route l’avant devient l’après
l’habitude a passé la main
traverse des pyrénées dans la chair de la brume étouffant le monde
d’espagne en andalousie royaume de l’astre jaune
les rires chauds et les pleurs de sang de la liberté en lutte
la misère et la gloire
charnière limitrophe de l’autre monde
odeurs fébriles de la terre ocre odeurs de chair sèche et de peau fumée
parfums d’épices non volatils épanouis dans la fange
le monde révélant ses charnels secrets
la femme est voilée l’homme est glabre ils sont odeurs de cuir et de musc
sans transitions
ils sont de la terre où ils vivent
et le nouvel homme qui arrive souffre d’absence et d’opacité
vérité dans la position couchée dans l’arrêt des fonctions premières pour atteindre enfin au présent de toujours à l’état solide
mémoire d’un moment éternel couché dans la saumure d’un silence absolu